« Une tequila sunrise s'il vous plait! » je crie de toute la force de ma voix histoire que le barman m'entende malgré le brouhaha incessant et la musique extra-forte qui retentit dans la boite. Il semble m'entendre, malgré tout – il doit avoir l'habitude à force – mais je dois dire que ce vacarme commence à me donner sacrément mal à la tête. Et non, ça n'a rien à voir avec l'alcool, je suis là depuis à peine cinq minutes, vous croyez vraiment que j'ai eu le temps de boire ? Sans compter que, sans vouloir me vanter, on peut dire que je tiens plutôt bien l'alcool. Ca ne m'empêche pas de me réveiller avec la pire gueule de bois du monde chaque matin, mais ça n'a rien à voir. Il en faut beaucoup pour que je sois complètement déchiré, croyez-moi. Sans compter que j'ai la chance de faire partie de ce groupe de gens qui ne renvoie pas ce qu'ils ont mangé au cours de ces dernières vingt-quatre heures.

« Voilà pour toi Curly. » Le barman est revenu et me tends ma boisson. Je ne relève pas le « Curly ». Je me suis habitué à ce surnom depuis le temps, il ne me dérange même plus. Et puis, ma coiffure est un peu ma marque de fabrique, donc plutôt que faire mon gamin et me plaindre que ce surnom craint à mort, autant en profiter un maximum pas vrai ? Si ça peut faire du profit, si ça plait aux filles, si me voir me recoiffer les fait hurler d'hystérie et si m'appeler Curly les rends plus heureuse qu'avoir un petit-ami en chair et en os, alors pourquoi pas.

Je m'enfonce dans la foule, et plus je me rapproche de la piste de danse, plus mon mal de tête empire, au point que je ne peux même plus garder les yeux ouverts sous la lueur des néons. Je me dirige vers des sièges et m'assoie lourdement au côté de deux jeunes femmes que je n'ai jamais vu avant – mais qui sont par ailleurs incroyablement séduisantes. Alors que l'une d'elle s'apprête à m'adresser la parole, je me tourne vers elles et leur fait mon regard le plus suppliant. « Vous auriez pas un doliprane ou un truc comme ça ? J'ai un mal de crâne à crever et je vous jure que ce n'est pas dû à l'alcool, c'est mon premier verre. » je leur dit en leur montrant ma boisson, à laquelle je n'ai pas touché. L'une d'elle hoche la tête, et sort une pilule de son sac. Elle me la tend et alors que je l'avale, je croise le regard furieux d'une personne plus que familière. Je me mords la lèvre, mal à l'aise. « Allison... Je ne savais pas que tu sortais ce soir ! » je lui lance comme si de rien n'était, même si je sais comment elle interprète ce qu'elle vient de voir et que je m'attends déjà à ce qu'elle m'engueule.

Comme je m'y attendais, Allison est très très en colère. Ça ne m'étonne pas en même temps, elle a tendance à sauter trop vite aux conclusion, et sous prétexte que j'ai dérapé une fois, elle me prends pour un junkie. Bon, je peux comprendre qu'elle soit inquiète que je foute en l'air ma carrière, mais c'est pas comme si j'avais pas déjà touché à la drogue avant de la rencontrer, et puis je ne suis pas une machine, ça arrive à tout le monde de ne pas supporter la pression. « Tu te fous de ma gueule. Hein ? Tu te fous de ma gueule. Sans moi t’es rien. Du tout. Il me suffit de deux coups de fil pour te décrédibiliser à vie. Et je croyais t’avoir dit de rester dans les carrés VIP, tu ne sembles pas comprendre que tu peux te faire violer au milieu de ces fangirls. » Je lève les yeux au ciel. Je ne lui réponds pas que me faire 'violer' par une de ces belles plantes ne me dérange pas du tout, ou qu'il faut qu'elle arrête de se prendre pour le centre du monde. Je connais Allison, et elle peut être vachement effrayante quand elle s'y met. Dans le genre je-n'hésiterais-pas-à-engager-quelqu'un-pour-t'assassiner-si-tu-me-fais-chier. Et le fait qu'elle ai du mal à résister à mes charmes quand je m'y mets – ce qui est normal en même temps, qui pourrait possiblement me dire non – ne change rien à ça. Quand elle est en colère, elle est en colère, et ce n'est jamais bon pour moi. « Donne moi une raison de te pardonner. Une seule. » Nous sommes à l'étage maintenant, complètement seuls, et elle me regarde avec un air qui me fait sourire avec arrogance. Je sais que je ne devrais probablement pas jouer avec elle, mais c'est trop tentant, et comme le dit si bien Oscar Wilde, le meilleur moyen de résister à la tentation, c'est d'y céder, c'est pourquoi je m'avance maintenant vers elle, toujours souriant. Je pourrais lui dire qu'elle se trompe, bien sûr, que ce n'étais qu'un anti-douleur, mais ça serait beaucoup moins amusant. « Mon charme incroyable, peut-être? » je lui murmure dans l'oreille, caressant son bras nu avec le dos de ma main. Je ne m'attends pas à ce qu'elle lâche l'affaire, bien sûr, mais c'est toujours amusant de la voir se raidir un peu à mon contact. Que voulez-vous, il n'y a personne sur Terre qui ne me désire pas, et quand Caem Horayne vous fait l'honneur de vous toucher, vous ne restez pas sans réagir.