beautiful mean girl ❧ Quand on me voit pour la première fois, on pense toujours que je suis mignonne comme tout. Je ne fais pas mon âge, tout le monde est d’accord là-dessus, mais ce n’est là qu’une question de physique. Et puis de toutes les façons, entre nous, quand on négocie avec des mecs de cinquante balais qui ont le déguisement costard/cigare, le short et les tresses amènent un peu de fraicheur (ou de chaleur ?) dans la pièce. Et ça ménage l’effet de surprise. Je ne suis pas totalement sure que vous me suiviez. La façon dont je manipule tout mon monde est un peu complexe. Mais force est de constater qu’elle marche étonnement bien. On dit de moi que je suis sans cœur, désagréable, horrible, dédaigneuse. J’appelle ça de l’intelligence. J’ai la tête sur les épaules. J’ai conscience du monde dans lequel je vis, à savoir un monde dans lequel l’argent est le seul moyen d’obtenir de la puissance ou de la reconnaissance. Les mignons et les généreux habitent dans des maisons toutes pareilles dans les banlieues craignos de Londres. Ce n’est pas pour moi, ça ne le sera jamais.

L’expression « naitre avec une petite cuillère en argent dans la bouche » est vraiment stupide quand on y pense. Une petite cuillère en argent ça vaut quoi ? Cent balles à tout péter ? Plutôt moins. On devrait dire « naitre avec les clés d’une jaguar dans la main ». Ou « naitre avec un service de verres en cristal entre les dents » si vous voulez vraiment rester dans la vaisselle. Personnellement, je suis née avec les trois. La petite cuillère, la jaguar et les verres en cristal. Le problème dans ce genre de cas, c’est qu’on s’attache à l’argent. Plus on en a, plus on en veut. Et on n’en a jamais assez. Mes parents étaient (et sont toujours) de grands business men. Super clichés d’ailleurs. Vous savez le genre à la maison une semaine sur trois, toujours habillés sur leur trente et un, qui ratent un noël sur deux mais qui gagnent plus que le PIB de la Pologne par mois. J’exagère, mais on n’est quand même pas si loin. Mes deux frères et moi faisions ce que nous voulions ou à peu près, tout le monde se foutait de ce qu’on faisait et c’était très bien comme ça. Mes relations avec mes frères ont toujours été très bonnes. Jusqu’à un certain point. J’étais l’ainée et je prenais donc toutes les décisions à leurs places. Ça ne leur plaisait pas du tout. Dix ans plus tard ils en sont soit dit en passant très contents mais sur le moment, mes capacités à diriger leurs vies sans qu’ils ne puissent rien faire les énervait pas mal. N’empêche que si je ne les avais pas forcés à se détester, ils n’auraient pas grimpé les échelons de leurs entreprises respectives à une échelle pareille. Quoi de mieux que mettre deux frères en compétition depuis toujours dans deux entreprises en compétition depuis toujours ? Et puis ils ont bien fini par se rabibocher. Et ils gagnent un fric monstre. Ils peuvent bien me dire merci.

Comme toutes les petites filles, j’ai voulu devenir successivement barbie, coiffeuse et maitresse. Jusqu’au jour où je me suis rendue compte que ce n’était pas comme ça que je trouverais de l’argent. C’était mon but ultime, le fric. Ça l’est toujours d’ailleurs. Tout le monde me critique à cause de ça. Mais entre nous, l’expression « l’argent ne fait pas le bonheur » n’est elle pas encore plus débile que celle de la cuillère en argent dans la bouche d’un bébé. Avez- vous déjà croisé une personne pauvre qui n’aspire pas à être riche ? Et à l’inverse, avez-vous déjà entendu un riche affirmer qu’il rêve de perdre tout le contenu de son compte en banque ? Les réponses à ces questions sont inclues dans leurs énoncés. Je n’ai pas mis si longtemps que ça à trouver ma vocation. Mes capacités de manipulation et de négociation auraient vite fait de me rendre riche et connue. Il suffirait que je me débrouille pour trouver une star en laquelle je pourrais tout miser pour tout gagner. Mon but n’était pas de trouver quelqu’un pour faire l’unanimité ni même un excellent chanteur. Il me fallait une belle gueule, une voix correcte et un cerveau. Un mec pas totalement idiot qui soit capable de comprendre les enjeux de chacune de ses actions. J’ai commencé à chercher sans réellement trouver. J’ai quand même monté une boite de management pour ne pas me retrouver sans le sou et ai aidé des personnes très médiocres à devenir des stars. Chacun de mes poulains a été reconnu internationalement. Il parait que j’aurais du être fière de moi. J’avais tout ce que je voulais. L’argent. La réussite professionnelle. Le pouvoir sur les autres. Mais je n’étais pas satisfaite. La reconnaissance des gens de mon métier ne m’intéressait pas (et ne m’intéresse toujours pas). Je voulais trouver le néo Justin Bieber, quelqu’un que tout le monde adorerait détester, un noyau d’une trentaine de millions de fans excepté. Et je l’ai trouvé. A Dublin. Alors que j’étais tranquillement en vacances. Il n’a pas hésité une seconde. Il a résisté à tout pendant deux ans. Aux critiques. Aux haters. Aux fans les plus étranges. Aux dealers. Puis il a bien fallu que tout ça pète. Et ça a pété. Gravement.

Ce qu’il est passé dans la tête de Caem le jour où il a décidé que la drogue était une bonne issue ? Je n’en sais rien. Je ne le saurai certainement jamais. Je n’ai en fait aucune envie de le savoir. Il a du se sentir malin. Rigolo. Intéressant. Je l’ai trouvé débile. Tous les espoirs (et tout l’argent) placés en lui étaient réduits à néant parce que Monsieur avait trouvé ça trop fun d’échanger une liasse de billets contre je ne sais quelles pilules. Avant qu’il n’ait eu le temps de pousser la connerie trop loin je l’ai foutu lui et un petit mec que je pensais être son ami dans un avion direct pour Rio, en espérant que le Brésil calmerait un peu mon poulain. Je suis arrivée il y a deux semaines et pour l’instant je me débrouille plutôt bien. Caem a plus ou moins arrêté de déconner. Les vacances sont à la fois plus et moins agréables que prévues cependant. Qui aurait pu penser, à part moi, que Caem finirait dans mon lit ? Et, qui aurait pu penser que ce soit disant ami de Caem était en fait son pire ennemi ? (ce qui est complètement compréhensible soit dit en passant). Les « vacances » s’annoncent plus mouvementées que je l’aurais cru…