Mon adorable histoire
-quoique pas si adorable que ça- commence dans la ville de Melbourne le treize juillet mille-neuf-cent-quatre-vingt-et-onze. Et contrairement aux autres enfants de mon âge, je n’ai pas eu une enfance des plus normales on va dire. Tout d’abord, je n’ai pas connu mon père ; je ne connais même pas son nom car je ne l’ai jamais vu, c’est même à se demander s’il existe réellement. Mais je ne suis pas bête, les bébés ça ne sort pas des pots de nutella …
Ma mère pratiquait le métier le plus déshonorant qui soit : elle se prostituait, d’où ma naissance. En quelque sorte je suis, comme qui dirait, « une erreur de la nature ». Car même pas une semaine après ma naissance, elle s’est enfuie, m’abandonnant dans une couchette, devant les portes de l’église avec un simple bout de papier comportant mon prénom « Juliàna ». Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai jamais compris son geste ; abandonner son enfant, il n’y a pas d’explications valables à ça. C’est ainsi que je suis restée jusqu’à mes quatre ans, dans un couvant catholique. Car peu de temps après, on m’avait adopté : c’était ma nouvelle famille, les Ryniewicz.
Les Ryniewicz avaient trois enfants et je venais donc m’ajouter à la fratrie bien que je ne fusse pas la plus jeune. Mes « nouveaux » parents avaient tenu à ce que je conserve Juliàna dans mon prénom et ils avaient juste rajouter Leerah. Et je n’ai jamais compris pourquoi. Je pense que c’est à partir de ce moment que j’ai vécu les plus belles années de ma vie. Même si ça n’était pas le cas, j’avais l’impression de faire partie de cette famille depuis toujours. J’allais à l’école comme tous les enfants de mon âge et surtout, il y avait des individus que je pouvais appeler papa et maman sans trouver cela étrange. A six ans, je faisais de l’équitation avec Chad, un de mes frères. C’est celui avec qui je me suis toujours bien entendu. On ne se ressemble pas tellement niveau caractère, mais l’on se complète parfaitement. Faire partie de cette famille était la chose la plus incroyable qui pouvait m’arriver. Je pense même que c’est de cette façon que j’en suis venue à oublier que ça n’était pas ma famille biologique.
Mon entrée au lycée a été une période un peu difficile pour moi ; je ne m’intéressais plus du tout aux études. Comme la plupart des jeunes de mon âge, j’aimais faire la fête. Mais ce que mes parents ne toléraient pas c’était que je fume, boive et traine avec des garçons qu’ils jugeaient peu fréquentables. On s’engueulait souvent sur ça et je finissais toujours par claquer la porte et passer la nuit ailleurs. J’avais peu de considération pour les études, je m’en foutais vraiment. Malgré tout je savais que ça finirait par se retourner contre moi un jour. Et ce jour avait vite fait d’arriver.
« Leerah, où étais-tu passée ces deux derniers jours ? » Les écouteurs dans les oreilles, je faisais mine de pas entendre mon père. Grosse erreur. Il me les avait arrachés avec tant de fureur que mon lecteur mp3 s’était écrasé puis cassé par terre. Je le regardais ébahie et énervée à la fois. Nous étions seuls dans le salon.
« Tes facéties doivent s’arrêter maintenant ; tu rends nos vie difficiles ! On ne t’a pas élevé pour tu agisses comme tu le fais actuellement. Prend exemple sur tes frères au moins » Je le fixais toujours sans rien dire. Je savais que le décevais mais je n’y pouvais rien, je suis comme ça : j’aime ma liberté. Est-ce trop demandé ? Plus les jours passaient et plus je me sentais de trop dans la famille. Ils pensaient que je n’étais pas au courant pour l’adoption mais ils avaient tort. Certes je ne m’en suis pas souvenu mais n’était ce pas étrange que tout le monde dans cette maison ait un album de naissance sauf moi et des photos, la seule blonde de la famille, celle qui ne ressemble à personne. Pas besoin d’être dupe pour comprendre ; cependant je l’avais toujours gardé pour moi, mais ces derniers jours, ça en devenait lourd. J’en ai marre. Bref, je prenais donc une grande inspiration.
« Arrête de faire semblant. » Mon père ne semblait pas vraiment comprendre sur le coup.
« Tu pourras toujours prétendre ce que tu voudras mais je sais que tu ne m’aimes pas comme tu les aimes eux, et ça tout simplement parce que tu n’es pas mon père. » Au vue de sa réaction, il commençait petit à petit à saisir le sens de mes mots. Son visage semblait se radoucir, mais la dernière chose dont je voulais c’était de sa pitié. Je ne lui avais pas laissé le temps de placer un mot que j’étais monté dans ma chambre. Ce jour là j’ai pleuré. Parce que pour la première fois depuis bien longtemps, je m’étais sentie seule, plus seule que jamais.
Les jours qui passèrent furent plus tendus que jamais entre mon père et moi. Maman ne semblait pas au courant de la situation mais tout le monde avait remarqué mon changement de comportement. Personne n’était au courant d’ailleurs sauf Chad car il m’avait dit un soir qu’il m’aimait malgré tout et que j’étais toujours sa sœur. Je ne sais toujours pas comment il l’a su car il ne m’a jamais rien dit. Quelques temps après, je suis retournée au couvant où j’avais vécu les trois premières années de ma vie. Je ne reconnaissais aucune des religieuses, mes la plupart semblait se rappeler de moi. Et ce jour là, juste avant de partir j’avais pris mon courage à deux mains pour demander à une des religieuses s’ils avaient un quelconque contact avec ma mère biologique. Elle avait longtemps hésité avant de m’expliquer que ma vraie mère était revenue pour me récupérer mais que j’avais déjà été adopté. Elle m’avait aussi remis un bout de papier avec trois mots tout simplement « Natalia Lopez, RIO ». Cette découverte, je n’en avais parlé qu’à Chad. Ma mère s’appelait donc Natalia et elle avait essayé de me récupérer. Il n’en fallait pas plus pour que je prenne une décision ; rien ne m’obligeait à rester ici en Australie
–à part Chad peut être-. Le reste de ma famille pouvait très bien se passer de moi. Je voulais aller à Rio pour retrouver ma VRAIE mère. Lorsque j’en ai parlé à Chad, il était évidemment contre, il a tout essayé pour m’en dissuader, mais en vain. Je ne m’attendais pas à ce qu’il soit content de me voir partir, c’est certain. Mais, une chose à laquelle je ne m’attendais vraiment pas, c’est qu’il veuille partir avec moi. A mon tour j’avais tenté de le dissuader, mais en vain. Ainsi on avait prétendu aller en vacances à Rio pendant deux semaines, sauf qu’on n’est jamais revenu.
A présent je vis dans cette grande ville du Brésil avec Chad, qui a tout abandonné à cause de moi. Tout est tellement différent ici, pas aussi facile que je le pensais. Mais malgré tout, je ne perds pas mon objectif de but. "Natalia Lopez" ... avec ce simple prénom, je finirais bien par trouver ma mère.